10 novembre 2010

Le journal

La photographie peut servir d’enregistrement du réel, comme une écriture du temps qui passe. Certains photographes travaillent la forme du journal, enregistrant le quotidien. Cela ne les empêche pas ensuite, de modeler, de ré-interpréter ce quotidien, pour passer dans la fiction. Ce travail de récit peut se construire avec une suite d’images, ou bien aussi avec le texte.
Serge Doubrovsky, critique littéraire et romancier, invente le terme d’autofiction en 1977. Ce genre se définit comme un texte, basé sur des faits réels, et souvent autobiographique, mais dans lequel l’auteur s’affranchit du pacte autobiographique, c'est-à-dire qu’il se laisse la liberté de basculer dans la fiction, dans la romance de sa propre histoire. Marguerite Duras, Georges Pérec, Nathalie Sarraute, Catherine Millet et bien d'autres explorent ce genre.
On peut appliquer aussi ce terme d’autofiction à une certaine photographie.


Gorka, Hervé Guibert, 1981
 


Le Nez, Sophie Calle, 2000 



J’avais quatorze ans et mes grands-parents souhaitaient corriger chez moi certaines imperfections. On allait me refaire le nez, cacher la cicatrice de ma jambe gauche avec un morceau de peau prélevé sur la fesse et accessoirement me recoller les oreilles. J’hésitais, on me rassura : jusqu’au dernier moment j’aurais le choix. Un rendez-vous fut pris avec le docteur F., célèbre chirurgien esthétique. C’est lui qui mit fin à mes incertitudes. Deux jours avant l’opération il se suicida.


 Nan and Brian in bed, Nan Goldin
New york City, 1983




You Know for the true I won't take photo of any sickness,Clara Chichin, édition limitée, 2010